Le Portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde
Par la phrase blasée: "J'ai tout connu", Lord Henry Wotton exprime un large pan de sa philosophie. C'est, à mon sens, ce personnage qui tisse et noue les fils de l'intrigue du Portrait de Dorian Gray, mentor, frère, père, ami, compagnon, ou toutes ces choses à la fois, il ouvre à Dorian Gray les portes du palais des vices et des plaisirs. Wotton possède une aura véritablement diabolique, tout en même temps pleine de franchise et de subtilité. Ainsi, il forge l'être que va devenir Dorian Gray.
Un parallèle intéressant est celui de Frankenstein, le créateur dépassé par sa créature, du magnifique Dorian Gray à la créature du Dr.Frankenstein, on retrouve cette même façon perverse et malsaine de jouer avec la vie, de la manipuler. En fouillant, on se sent impressionné par cette attitude, qui évoque le talent diabolique de l'Homme à soumettre et utiliser ses semblables.
Si ce roman est bien sûr celui de la philosophie d'Oscar Wilde, hédoniste et esthète convaincu, c'est donc en Lord Henry, dandy par excellente qu'on le retrouve. Mêlant agréablement les bons mots emprunts de cynique, l'humour décalé, et la fascination, il dresse le portrait d'un Londres coupé en deux par sa Noblesse et sa Pauvreté. Derrière le sarcasme de l'écriture magistrale de Wilde, on trouve une véritable réflexion sur la condition Londonienne de l'époque, la façon dont les riches nobles ternissent leur image la nuit et se mêlent au 'bas-peuple' pour profiter de ses plaisirs, tandis qu'ils répugnent le jour à être approché de la vermine. Le scandale d'Oscar Wilde est qu'il a révélé aux Anglais que leur Noblesse n'était pas aussi propre qu'elle voulait le faire croire.
Je ne fais là qu'effleurer la profondeur fascinante de l'écriture de Wilde, Il n'y a d'ailleurs pas d'autre mot, on est réellement fasciné par ce roman, où très vite, la relation entre les deux hommes, tantôt malsaine et qui nous fait sentir voyeur, tantôt comique et qu'on ne lâcherait pour rien, nous écrase de son poids et nous donne envie de ne pas lâcher ce livre. Une page, rien qu'une... Ho, aller, encore une ! Le piège se referme, c'est le talent d'Oscar Wilde.